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Népal, de Katmandou à L'Everest - Novembre 2017

Etape 50 - Everest Base Camp - La montée finale vers l'Everest (5.450 mètres)

Samedi 18 novembre 2017. C'est fou comme une photo peut être trompeuse. Everest Base Camp, samedi 18 novembre 2017 vers 13 h 30, l'aboutissement final d'une semaine de trek dans la chaîne de montagne la plus haute du monde. Le sourire aux lèvres, l'air frais et dispo, limite beau gosse, plein d'entrain et de vie... Tout est faux ! Je suis littéralement épuisé au moment de faire cette photo. Incapable de tout autre effort que d'entamer la descente qui me ramènera vers Gorak Shep. Mais bon, un dernier petit effort pour sourire sur la photo, pour dévisser ma casquette des Nets et pour lever les pouces en l'air en signe de victoire... "Je l'ai fait ! J'ai réussi ! J'ai grimpé jusqu'au sommet de l'Everest Base Camp !" L'accomplissement d'un rêve de gosse entamé quand j'avais sept ans que je lisais mon livre préféré : "Les Conquérants de la terre" dont un épisode entier était consacré à l'exploit de Sir Edmund Hillary. Je suis en plein rêve !

Je rembobine le fil de la montée. Retour vers midi quand on commence l'ascension. Un chemin sabloneux mène jusqu'au glacier Khumbu. Le chemin n'est pas vraiment difficile, jonché par les débris de roches rejeté par le monstre de glace, mais rien de véritablement compliqué.

Un peu plus haut, l'ascension de complique. Il faut monter et descendre de gros blocs de roches, parfois s'appuyer aux rochers pour s'aider. En plein hiver, il faut sans doute traverser une mer de glace pour parvenir jusqu'au camp de base. Mais dieu merci, nous sommes encore en automne et les premières grosses neiges ne sont pas encore tombées.

Je m'accroche autant que je peux. Je serre les dents. Pendant l'ascension, je croiserais au moins trois personnes victimes du mal aigu des montagnes. Une asiatique en larmes rebrousse chemin accrochée tant bien que mal au bras de son guide sherpa. L'émotion est grande. Je m'accroche. Je suis littéralement épuisé, je lutte à chaque pas pour continuer d'avancer. Il ne faut pas se voiler la face, je ne serai jamais un grand alpiniste. Ni même un grand athlète. J'avance seulement à la force de ma volonté. Sans elle, impossible de continuer.

Près de moi, Sashee m'accompagne à chaque pas. Son oeil s'attarde un moment sur moi. Je sais bien qu'il me jauge, qu'il tente de percer mon degré d'épuisement, qu'il guette dans mon attitude les premiers signes du mal aigu des montagnes. Je suis épuisé, c'est vrai, mais pas de maux de tête, pas de symptômes du MAM. Alors je continue. je fais mine de plaisanter avec lui, je donne le change. A vrai dire, je ne pense pas qu'il me croit. Mais bon, tant que la volonté est là pour m'accompagner, je continue ma route. Pas question d'échouer si près du but. Je n'ai pas enduré autant de souffrances pour abandonner maintenant, à moins d'un kilomètre du but. Tant pis pour le MAM et l'épuisement, j'irai jusqu'au bout de mes forces. Au bout de mon envie. Je marche.

Le chemin escarpé est épuisant. Chaque pas vers l'avant est une épreuve. Chaque mètre de plus est une victoire. Je sais que je suis au bout. Vraiment. Ici, on ne peut pas tricher. Impossible. Seule la volonté d'avancer ou d'arrêter compte. Le reste n'est rien. Je pense à ma fille en France qui ne sait même pas où je suis, qui n'a aucune idée de tout ce que j'endure pour grimper tout là-haut. Je pense à maman. A papa. De là-haut, ils doivent être étonnés par tant de persévérance. Même moi, je n'avais aucune idée de toute cette volonté que j'avais encore en moi. C'est une lutte à mort, je continuerai. Je serre les dents.

Chouette, une petite descente. C'est fou comme une petite minute de pause dans la souffrance peut faire du bien. Je regarde au loin, et je vois trois trekkeurs qui reviennent vers Gorak Shep. Je les envierais presque. Mais avant, je dois continuer. Sashee m'encourage. Je me sens mieux. Je vois même un sourire esquissé au bout de ses lèvres. C'est sans doute qu'il doit me sentir mieux que tout à l'heure dans le milieu de la montée. J'entrevois la fin, ça doit être pour ça. L'espoir de réussir.

Enfin voilà nous y sommes. L'Everest. Et autour de lui tous les plus grands sommets du Népal. Le camp de base forme comme une immense cuvette au pied du glacier Khumbu qui donne accès à l'ascension du toit du monde. C'est beau à couper le souffle. Ici, nulle végétation. Un vaste désert minéral et glacé jusqu'à perte de vue. Les cimes enneigés. les flancs. Les glaces. Existe-t-il seulement des mots pour décrire tant de beauté ?

J'avance encore un peu. Je dois être à moins de 500 mètres du camp. Je ne veux pas échouer là. Si près du but. Sashee observe mon état et opine du chef. Encore un tout petit effort. La marche dans les roches de la moraine est éprouvante comme jamais. Ici, on doit être à 50% d'oxygène. Pas plus.

Alors enfin nous y sommes. Everest Base Camp : 5.450 mètres d'altitude. Je pose mon sac par terre et je m'effondre en pleurs. Impossible de m'arrêter de pleurer. "J'ai réussi. Je l'ai fait." L'Everest. J'ai réussi et pourtant je pleure comme une madeleine. L'émotion est tellement intense, les efforts ont été tellement importants, la souffrance tellement forte parfois, la volonté tellement grande, la lutte tellement acharnée que tout finit par ressortir d'un coup. Je pleure toutes les larmes de mon corps. "Merde, j'ai réussi." Je tombe dans les bras de Sashee qui me réconforte comme il peut. Sans lui, sans sa patience et tous ses mots d'encouragement, jamais je n'aurai réussi à monter ici. Jamais je n'ai fait une chose pareille, et sans doute jamais je ne referai un tel exploit physique et mental. Je ne suis pas un athlète, je n'ai jamais été un grand sportif, je ne suis pas vraiment courageux... Mais je l'ai fait. "It's done, Sashee ! It's done !" "Yes, you dit it !" Merde, je n'arrive pas à y croire. Mes larmes coulent toute seule de mes yeux. Jamais je ne pourrai oublier ce moment. Jamais. Impossible. Ma plus grande victoire sur moi-même.

Mais pas question de quitter le camp de base sans déployer la une de mon journal. Une promesse que je me suis faite, une promesse que j'ai faite à mon boss avant de partir : déployer la une de L'Eclaireur au pied de l'Everest. Maintenant que c'est fait, je m'aperçois combien j'étais présomptueux de croire que je pourrai un jour ouvrir les pages du journal au pied du toit du monde. Monter ici demande tellement d'effort quand on n'est pas une bête sportive. Tellement de volonté. Plus encore quand on approche la cinquantaine. Mais je l'ai fait. A bout de bras, et contre le vent qui souffle fort, je déploie la une de L'Eclaireur. Sashee prend la photo. Enfin, je le vois rigoler. Le moral revient. Je suis prêt pour la descente. Mais je ne veux pas quitter les lieux sans rester un moment seul devant tant de beauté. Je veux m'inprégnier de ce lieu pour le garder à jamais en moi. Je veux être une pierre parmi toutes ces pierres. Un morceau de poussière et d'humanité devant ce paysage éternel. Je veux le faire mien et faire de moi une partie de lui. L'Everest. Aujourd'hui encore, après plusieurs mois, j'ai encore peine à le croire. Je suis monté jusqu'au pied du toit du monde. Merde alors !

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 
 
 

 
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